CHRONIQUE
Priorité : enlever le «C» à Koivu
Michel Blanchard, La Presse
Quand Bob Gainey a «fort généreusement» approché lui-même le Canadien pour lui signifier qu'il était prêt à prendre la relève du directeur général André Savard, pourtant toujours en poste, il a posé une condition, une seule : avoir carte blanche.
Ce qui lui fut accordé.
En matière de hockey, ce n'est donc pas George Gillett et encore moins Pierre Boivin qui dirigent les destinées de l'équipe, c'est Bob Gainey.
L'année dernière, quand Bob Gainey est allé chercher Guy Carbonneau pour l'aider à assumer la relève de Claude Julien tout en lui promettant le poste d'entraîneur-chef en début de saison de cette année, Carbo a posé une condition, une seule : mener son équipe comme il l'entendait avec les joueurs mis à sa disposition.
Et Gainey a accepté.
Gainey et Carbo ont tous les deux été capitaines du Canadien et ont tous les deux connu beaucoup de succès à Dallas où ils ont remporté la Coupe Stanley : Gainey à titre de directeur général, Carbo à titre de joueur. Financièrement très à l'aise - ça aide - ils sont vite devenus des gens de principe et personne ne peut maintenant interférer dans leur champ de compétence. Bravo.
À preuve, Carbo ne s'est pas gêné pour tasser Kovalev plus d'une fois cette saison, diminuant à l'occasion son temps de jeu, se permettant même de le laisser poireauter sur le banc des joueurs lors de l'ultime match disputé samedi dernier face aux Leafs, alors que le Canadien n'avait pourtant besoin en fin de match que d'un seul but pour accéder aux séries. Le temps de jeu de Kovalev : 13 minutes et 14 secondes!
Le 31 mars, à Buffalo cette fois, ce fut au tour de Saku Koivu d'écoper. Son temps de jeu s'est limité à 11 minutes et six secondes. Une bonne décision puisque Koivu, fouetté dans son orgueil, devait marquer le but de la victoire.
Quant à Gainey, ses frasques prouvent bien qu'il est le seul maître à bord.
Il a échangé Ribeiro à son ami Doug Armstrong des Stars en retour de Janne Niinimaa. Une transaction bâclée puisque trois directeurs généraux ont confié à Ron Fournier qu'ils se seraient montré intéressés à Ribeiro si seulement Gainey avait pris la peine de leur téléphoner.
Quand Gainey a échangé Craig Rivet aux Sharks, Brian Burke, le DG des Ducks de Anaheim, était en furie puisque lui aussi était intéressé aux services de Rivet. Jamais, dans les échanges qui ont impliqué Ribeiro et Rivet, Gainey n'a-t-il cherché à créer une surenchère auprès des autres directeurs généraux.
Gainey donc qui moule son équipe comme il l'entend, .
Et Carbo qui en dispose comme il l'entend aussi.
On en est là.
Comme Carbo n'est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, il exigera de Gainey le départ de Kovalev et Koivu.
Normal. Kovalev ne dispute qu'un match sur trois et, en dépit de son exceptionnel talent, aucun entraîneur sérieux ne peut tolérer une telle chose.
«Nous avons réussi à relancer la carrière de Patrice Brisebois, il nous faudra maintenant trouver le moyen de relancer celle de Kovalev, a dit Gainey. Brisebois, à sa dernière année avec nous, n'a-t-il pas connu une très bonne saison ?»
Avouez que celle-là, Gainey est allé la chercher loin.
Si le fait d'avoir traité les chahuteurs de Brisebois de «bâtards» a remis, selon Gainey, Brisebois sur ses rails, quelle sera maintenant la stratégie du DG pour relancer la carrière de Kovalev?
«Je vais lui parler», a promis Gainey.
Ah bon! Si Gainey parle a Kovalev, c'est sûr, sûr, sûr que l'Artiste va disputer chaque match comme il en est capable.
N'importe quoi, vraiment n'importe quoi
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Pas besoin d'être un devin pour se rendre compte que Koivu exerce fort mal son rôle de capitaine.
Au cours de la période sombre du Canadien, celle qui s'est étendue du 23 décembre au huit mars - 12 victoires, 22 revers -, c'est Koivu qui fut le joueur le plus indiscipliné. Ceux qui ont suivi de près les activités de l'équipe racontent que Koivu n'a rien fait pour solidifier l'esprit d'équipe. À un journaliste anglophone, Koivu a raconté que Carbo avait perdu le respect des vétérans après qu'il eut de nombreuses fois chambardé ses trios. Big deal!
Craig Rivet, le grand ami de Koivu, qui monte aux barricades.
Et Koivu, le capitaine, au lieu de rassembler les vétérans et de chercher à venir en aide à son entraîneur, qui boude à sa façon en écopant d'innombrables punitions inutiles qui ont pesé dans le fait que le Canadien n'ait pu participer aux séries.
Carbo ne veut plus de Koivu. Mais Gainey ne pourra l'échanger si ce dernier se prévaut de la clause de non échange inscrite dans son contrat.
Si tel est le cas, Carbo n'aura d'autres choix que de lui enlever le «C» sur son chandail.
Et si Koivu cherche des appuis en allant pleurnicher auprès de son père spirituel George Gillett, Gainey mettra son poste en jeu.
Quand Gainey, en début de semaine, a dit que, pour le moment, son désir était de continuer son travail avec le Canadien, c'est à ça qu'il pensait.
Si jamais Gillett empêchait Gainey de donner pleine satisfaction à Carbo, c'est sûr qu'il partira.
Quoi qu'il en soit, je mets mon bras gauche à couper que Pâques prochain venu, ni Koivu et ni Kovalev ne seront de l'alignement du Canadien.
Une simple question de logique.
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